Bizarres et un rien dérangeantes, que nous veulent-elles donc les
étranges créatures métalliques de Laurent Mustel ? De quelle
planète virtuelle, de quels envahisseurs sont-elles les
émissaires ? Descendent-elles d’une espèce hybride ou d’une
fringante soucoupe volante ? Art singulier diraient quelques
pédants, assemblage en forme de clin d’œil chuchoteront les autres,
mécanisme dont la mission consiste à provoquer le rire ? Ne
serait-ce pas, tout simplement, un gag ? Chacun, en la
matière, reste libre de ses conclusions. Nous sommes ici en zone
libre.
On a tellement glosé sur l’art, tellement philosophé sur sa
fonction qu’un peu de rigolade ne peut qu’alléger l’atmosphère.
Depuis qu’une blague de potache a fait d’un vulgaire urinoir
l’équivalent de la chapelle sixtine, on ne voit guère au nom de
quoi l’artiste devrait être austère et sérieux ! Ce
qui nous tue c’est justement le manque d’humour et le peu de recul
que nous prenons sur le réel. Avec Laurent Mustel,
spécialiste du détournement et de la dérision, quelques pièces
métalliques suffisent à jeter le trouble. Leur agencement improvisé
provoque quelques démangeaisons. Elles deviennent fourmis géantes,
bestioles hérissées de piquants, caméras de surveillance greffées
sur pattes d’échassier, cauchemar d’entomologiste en quête de
découverte. Quelle aubaine ! En voiture, jeunes gens, le tour
de manège est gratuit. La vie n’est guère qu’une grosse blague. La
société n’est plus qu’un parc d’attractions planétaire où les plus
malins nous font croire que l’enfer même est habitable… Travaillez, nous ferons le reste ! proclamait un
slogan cyniquement placardé à l’entrée d’une usine vouée à
l’industrie pharmaceutique, celle-là même qui est censée apaiser
nos douleurs, mais engendre parfois d’inquiétants effets
secondaires. Alors, rions, rions, pour échapper à la contagion
galopante. Pouce, je passe… susurre Mustel ? Un peu
de détente, en revanche, n’a jamais fait de mal à personne.
Et si le vieux Duchamp pouvait parler, sans doute serait-il le
premier à se moquer de ceux qui ont sacralisé son œuvre et fait de
sa pensée une chambre funéraire, lui qui sut, en son temps,
défendre l’art de Brancusi comme celui d’une figure exemplaire.
Laissons donc de côté les suiveurs qui se sont, par
immodestie, fait passer pour ses héritiers…
Sans autre objectif que le plaisir ludique qu’il en retire, Laurent
Mustel (pour qui l’œuvre de Miquel Barcelo fut une sorte de
révélateur), a fini par se prendre au jeu, s’ingéniant à faire
naître des formes, des énigmes à œil de cyclope, de sa caverne de
soudeur. Les objets qu’il nous livre seraient-ils du poil à
gratter ?
Quoi que nous en pensions, en voilà encore un qu’on ne saurait trop
ou classer. Ah, ce besoin toujours d’étiqueter les gens
Faisons seulement en sorte qu’on lui accorde un peu de place dans
nos salons, histoire de gripper un peu plus la machine aux idées
reçues.
Luis PORQUET
Ecrivain, critique d’art
Depuis qu'existe la métallurgie, des artistes instinctifs ont passionnément désiré maîtriser d'abord par le feu, puis la technologie aidant, par le pliage et la soudure, ces matériaux apparemment indociles, fer, aciers, alu, cuivre... afin d'exprimer une nouvelle vision dans l'espace.
Même l'industrie s'y est mise avec les chutes, les riblons,
déchets abandonnés au fondeur, mais que des créateurs contemporains
recueillent religieusement et jubilation.
Au vu de grands noms est d'incontestables talents voués à ce
domaine particulier de la sculpture, Laurent Mustel s'est mesuré à
une véritable révélation en associant les fruits de son imagination
aux possibilités techniques de son métier.
Et de quelques pièces de rebut, usagées vouées à la
destruction, surgit une manière originale d'envisager l'espace, en
créant des œuvres d'art dont l'apparence contemporaine jaillit du
métier transcendé par l'étrangeté d'une vision dont l'élégance est
incontestable, tant par la naturelle noblesse des métaux qu'avec la
précision du martèlement et l'alchimie de la fusion.
Ainsi, grâce à l'expression de son art, Laurent Mustel exprime t'il
la beauté, la rigueur et l'humour réunis par son étonnant brio,
audacieux plein d'un saisissant esprit créatif sans cesse
enrichi.
André RUELLAN Avril 2013
Ever since the invention of metallurgy, instinctive artists have passionately wanted to master the apparently unruly materials of iron, steel, aluminum, and copper in order to express a new vision in space. First it was with fire, then with the help of technology, by bending and soldering. Even the industry is starting to reuse scraps or other bits of rubbish abandoned in the smelter, but contemporary creators relish in religiously collecting these discards. In light of big names and uncontestable talents in this particular sculptural domain, Laurent MUSTEL has proven a true revelation by combining fruits of his imagination with the technical possibilities of his profession. And with a few scraps, either used or destined to be destroyed, he proposes an original way of envisaging space, by creating works of art whose contemporary appearance arises from the profession, which finds itself transcended by the strangeness of an incontestably elegant vision, not only as a result of the natural nobility of the metals but also the precision of the hammering and the alchemy of their fusion. Therefore, through the expression of his art, Laurent MUSTEL fuses beauty, rigour and humour with his surprising flare, in a bold display full of striking creativity that is constantly being enriched.
André RUELLAN Avril 2013